Miss Scarlet, détective privée : de mystère et de féminisme

Les séries d'époque? après avoir longtemps étaient boutées reviennent quelque peu en grâce avec ces derniers temps. D'abord avec la série Paris Police 1900, production française aux petits oignons et maintenant avec Miss Scarlet, série anglaise à retrouver sur Canal plus en streaming et sur Polar + pour sa diffusion télé. 

Nous suivons donc à travers cette première saison,  composée de 6 épisodes d'environs 45 minutes, Eliza Scarlet, jeune femme au fort caractère dans le Londres Victorien du fin 19ème siècle. Formée aux techniques d'enquêtes par son père, ancien inspecteur de Scotland Yard reconvertit en détective privé un peu alcoolique sur les bords, Eliza va, à la mort de ce dernier, décidé de s'assumer seule et de reprendre son affaire.

Mais pas facile, dans une époque où les femmes peinent encore à suivre de longues études et où le modèle de la femme au foyer ingénue et soumise est la norme, de devenir détective. Bourré d'un talent que personne ne veut voir chez une demoiselle, nous assisterons alors à sa lutte pour traquer les criminels mais surtout pour être reconnu à sa juste valeur. 

Avant d'aborder la fond, l'histoire et les qualités narratives de la série, il convient d'abord d'aborder sa forme. Les séries d'époque devant nous faire oublier, justement, notre époque pour nous ramener à un temps que nous n'avons pas connu, les efforts de mise en scène et de décor doivent être à la hauteur. 

Dans ce domaine, Miss Scarlet se débrouille très bien en nous offrant des tenues travaillées mettant bien en valeur les personnages. Les hommes sont, dans leurs fameuses chemises bouffantes, bien charmant tandis qu'Eliza, quasi seule femme d'importance de la série, possède une garde-robe aussi charmante que pratique. 

Au niveau des décors, là, rien à dire. Ils sont tous créer avec soin, l'ambiance qu'ils veulent installer se fait sentir même si une impression de vide est parfois présente. 

Mais si la forme est solide, peut-on en dire autant du fond ? Eh bien, pas tellement. 

À chaque épisode, nouvelle intrigue, classique mais efficace. Si les enquêtes ne sont pas toute transcendante, leur diversité - que ce soit dans la nature du crime ou les thèmes qu'elles soulèvent - et la mise en scène leur permettent d'être intéressantes, concises et assez efficaces pour divertir le spectateur. 

Globalement donc, difficile de s'ennuyer sur un épisode de Miss Scarlet tant le rythme est soutenu.

Par contre, pour ce qui est de la finesse, on repassera. La série aborde des thèmes intéressants comme la place de la femme durant la fin de l'époque victorienne, l'homosexualité, le couple, le remariage et la vénalité des hommes mais bon sang que c'est lourd. Pareil pour la potentielle romance entre deux des personnages. Regarder un épisode de Miss Scarlet, c'est oublié toute forme de subtilité ou de finesse dans la manière d'aborder ces thèmes. On vous rabâchera les oreilles jusqu'à la limite du tolérable. 

Ceci est particulièrement vrai pour ce qui est du féminisme, de la place de la femme dans la société de l'époque. Eliza, par son envie de s'assumer seul, de ne pas se marier et de faire un métier "d'homme" dénote tout naturellement dans cette société très patriarcale. S'il est bon de mettre l'accent sur la discrimination qui en résulte, certaines réactions sont cependant vraiment ridicules. Je pense notamment ici au croque-mort qui ne veut pas de femme dans sa morgue, comme si les elles allaient souiller, de par leur simple présence, son antre. Difficile de dire si c'est par peur qu'elle contamine le corps, nécessaire à l'enquête, ou si c'est par simple paranoïa mais l'effet, en tout cas, est d'un ennuyeux ridicule.

Ce croque-mort peut sympathique n'est d'ailleurs pas le seul à surjouer de manière un peu ridicule. Eliza, la personnage principale peut vraiment être agaçante. Que le personnage soit proactif, toujours dans le mouvement et insoumise est une chose mais il y a une certaine mesure qui se doit d'être conservé. En n'en faisant toujours trop, Eliza se décrédibilise à la fois en tant que détective dans sa réalité mais aussi en tant que personnage pour nous, spectateur. Partant toujours bille en tête et n'apprenant jamais de ses erreurs, Eliza n'évolue pas ou très peu mais cela relève plutôt d'un problème lié au format épisodique : chaque fois qu'elle se remet en question, qu'elle commence à changer, à l'épisode suivant, pouf ... envolé et on recommence.



Paradoxalement, alors que la série se veut très "le pouvoir aux femmes / elles peuvent être des personnages forts et  intéressants", les personnages les plus intéressants et nuancée se révèlent bien être ces messieurs. 

Jouant tout à tour le rôle d'adversaire puis d'allié, William - inspecteur et amis d'enfance d'Eliza que son père avait pris sous son aile - et Moïze - truand jamaïcain charismatique - en viendrait presque à éclipser le personnage principal. Le premier est fascinant de par sa sensibilité. Sous ses aires bourru se cache un homme qui à toujours dû se battre pour gravir les échelons, pour se faire respecter. Une sorte de miroir de ce que la jeune femme devra accomplir. Néanmoins, ce n'est pour autant qu'il là comprend. Le mélange entre son affection pour elle, ce qu'il croit juste et ses propres ambitions forme alors un cocktail des plus fascinant. 

Moïse, de son côté, est toujours moralement gris. On ne sait jamais si ce qu'il dit est sincère ou non, si ces actions sont bénéfiques ou néfastes pour la jeune femme. La trompe t-il, essai t-il de l'aider ou de se servir d'elle ? Le mystère est complet et la performance de l'acteur magnifie cette sensation.

Alors ? On regarde ou pas ?

Miss Scarlet, détective privée n'est assurément pas la série de l'année. Entre lourdeurs et prévisibilité, difficile de sentir son cerveau bouillonné. Dommage pour une série centré autour d'enquêtes et de mystères. 

Cependant, elle n'est pas non plus mauvaise. Si vous arrivez à passer outre le comportement un poil rebutant de son personnage principal alors ses personnages secondaires, son rythme soutenu et sa direction artistique devrait suffire à vous satisfaire. 

L'originalité de ses enquêtes est aussi un plus. Tout ne tourne pas autour du meurtre et ça fait plaisir. 

En résumé, ce n'est pas du niveau de Sherlock Holmes mais ça se laisse regarder non sans plaisir.