Danmachi, la légende des familias tome 10 (Light-Novel)

Le tome précédent nous promettait bien des choses, nous en teasé encore plus et nous laissait donc miroiter un tome 10 charnière dans la série. Inutile de faire durer le suspens, ce nouvel opus de Danmachi, très dense, vient répondre de manière magistrale à toutes nos attentes et vient se hisser, sans surprise, parmi les meilleurs tomes de la série (au côté du sixième, mon petit chouchou.

Si, jusqu'à présent, l'auteur nous avait montré quelque thématique forte comme la prostitution, la vengeance ou la captivité, Bell avait toujours su se hisser au-dessus de la mêlée et faire briller l'espoir. Qu'importe le problème et même s'il n'était pas d'une grande aide, sa présence rassurait et permettait d'entrevoir un lendemain moins sombre que le jour précédant  

Ici cependant, rien de tout ça. L'auteur nous présente une véritable tragédie grecque en trois actes. Savamment orchestré, la pièce qui se joue devant nous met en exergue ses personnages, véritables héros tragiques, dansant au rythme effréné des événements dramatiques auxquels ils font face, qu'ils provoquent parfois.

Passé l'introduction nous présentant Daidalos - individu déjà mentionné dans les tomes précédents mais jamais réellement introduit et pourtant central dans ce récit en particulier et l'œuvre en général -, nous retrouvons une familia d'Hestia mélancoliques. "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé". Ils n'ont beau avoir passé que quelques jours avec la jeune vouivre, la brutale séparation avec la jeune vouivre n'a laissé personne indifférent. 

Parmi eux, Bell est évidement le plus marqué. Par la disparition de Wyne bien-sûr, mais aussi par ce qu'elle et ses congénères représente. Les monstres peuvent développer leur intelligence, leur humanité. Face à ce constat, peut-il encore lever son arme pour abattre ces monstruosités comme il avait l'habitude de le faire ? Peut-il encore être un aventurier ? Pas le temps de tergiverser cependant car, au son de la cloche, les réponses qu'il recherche pourrait bien s'imposer à lui.

35 pages. C'est tout ce qu'il aura fallu pour passer de la mélancolie à la tragédie. Faisant route à travers le donjon, Wyne et un groupe de Xenoi perçoivent la voie, le crie déchirant, d'un des leurs. Dix et la familia d'Icélos, après avoir rongé leur frein dans le tome précédent, passent enfin à l'action. Le massacre peut commercer. 

Et des massacres, des batailles, il n'y en aura pas qu'un dans ce tome. La haine appelle la vengeance et celle-ci, encore plus de haine. Les Xenos ne veulent, ne peuvent plus se laisser faire et attaquent. L'état d'urgence est décrété dans tout Orario, une expédition punitive est lancé. Monstre contre humain, humain contre humain et monstres contre monstres. Qu'importe le côté. Douleur, tristesse et colère seront omniprésent dans ce volume extrêmement dur, cruel et pourtant follement épique.

Dix, personnage sadique à la folie palpable

Au milieu de tout ça : Bell. Plus que jamais, il est le centre du récit mais, paradoxalement, c'est pourtant là qu'il a le moins d'influence. 

Au cours des 9 premiers tomes de la série, une constance dans les aventures de notre héros est apparu : il est celui qui se trouve au bon endroit au mauvais moment. D'abord emporté par le flux des événements, il réussit finalement toujours à reprendre la main pour imposer sa volonté et obtenir la meilleure fin possible. 

Ici néanmoins, Fujino Omorii vient renverser la balance. Bell est emporté, maltraité par les événements. Il les suit, les subit, essaye de les influencer mais échoue. Même lorsque la lueur d'une potentielle victoire apparait devant lui, celle-ci se fait instantanément écrasé, pulvérisé par le vice, par le mal, par la force. Pour la première fois depuis le début de la série, Bell est impuissant. Pire encore, à son impuissance s'ajoute la disgrâce. Ces convictions sont mises à mal, ses liens, pulvérisé, sa réputation, annihilé. De héros populaire, il ne devient rien de moins qu'un hérétique, avide et égoïste. 

Une évolution osée donc pour un personnage qui, jusqu'à présent, ne faisait que gravir les échelons, murir, devenir plus fort. La déchéance est rude mais oblige le personnage de Bell à évoluer à vitesse grand V. Il n'est plus question d'être timoré. Ces convictions, il les marque au fer rouge dans son âme. Laissant le héros populaire du War Game derrière lui, Bell entreprend de devenir son idéal même si, pour cela, il doit être conspué

Bell évolue beaucoup dans un très court laps de temps et, avec lui, c'est toute l'histoire qu'il est sur le point d'entrainer à sa suite.

Asfi, Ryu et Aïsha, une dream team comme on aimerait en voir plus souvent 

Cette évolution du personnage de Bell ne s'est cependant pas faite toute seule et résulte non seulement des événements qu'il a enduré mais également des personnes qu'il a rencontré, amis ou ennemies. 

D'abord, évidement, pas de bon héros ni d'histoire intéressante sans bon antagoniste. En cela, Dix est un ennemi qui se distingue pas mal de tout ce que Danmachi nous avait déjà proposé. Un personnage sans aucun espoir de rédemption, qui ne se bat ni pour son Dieu, ni pour sa familia et moins encore pour un quelconque idéal. Froid, cruel et sadique à l'extrême, il est le parangon de toute la cruauté dont l'humain est capable. Pourtant, il n'est pas non plus un antagoniste méchant pour être méchant. Son amour pour la torture, le meurtre et autres joyeusetés s'est construit, approfondie et épanouie dans le seul but d'être libre. Libre d'être lui-même, débarrassé de ce qui apparait comme une malédiction. Débarrassé de la volonté de cet ancêtre, le véritable - ou plutôt, le premier - fou. Un personnage qui raconte donc beaucoup de chose et qui poussera notre héros à remettre ses agissements comme sa volonté et ses convictions en cause. 

Enfin, que serait un héros sans bon acolytes. Pas de membres de la familia Hestia cette fois-ci (même si Lili à sa petite heure de gloire de son côté, ce qui est toujours très appréciable) mais les personnages de Ryu et de Fels (je ne traiterai cependant pas ce dernier ici, préférant me le garder pour la critique du tome 11). 

Ryu, la sévérité et l'altruisme incarné  

Ryu donc, un personnage récurant - que j'adore -, ayant souvent aider notre bande de joyeux? lurons lorsqu'ils en avaient besoin. Dans ce tome cependant, ce n'est pas tant ce qu'elle fait qui est intéressant - quoique, son combat contre le minotaure noir, un xenos extrêmement puissant, est incroyablement jouissif : véritablement le combat que je voulais le plus voir dans l'animé ... mais qui a été injustement coupé, JC staff déçoit encore et toujours - mais bien ce qu'elle représente. 

À mon sens, en effet, Ryu et Bell partageaient une relation Ainé/cadet (senpaï/kohaï) jusqu'à ce tome. Si Bell souhaite rattraper Aiz et la prend pour modèle, il y a néanmoins, au début, un gouffre insurmontable entre les deux. Elle est comme un être supérieur qu'il ne pourra jamais atteindre. C'est là que Ryu entre en scène. En faisant connaissance avec elle, en devenant amis, Bell ne la met pas sur un piédestal lorsqu'il découvre qu'elle est une ancienne aventurière, très puissante de surcroit. Elle n'est pas un objet d'adoration mais avant tout une amie. Une amie accessible, humaine - enfin, elfe dans ce cas -, capable de lui prodiguer de bon conseil en tant qu'ainée expérimentée et envers qui il va éprouver le respect que l'on doit à l'expérience. Elle est un peu le chainon manquant entre Bell et Aiz : son premier objectif/modèle à atteindre dans sa vie d'aventurier, bien au-dessus de lui mais pas irrattrapable.

C'est tout naturellement alors que, avec la prise d'expérience du garçon, leur relation va évoluer. De conseillère à sauveteuse en passant par simple soutien, Ryu ne couvera jamais totalement notre héros, le laissant prendre sa part de risque et agir librement. Ainsi, peu à peu, Bell quitte son rôle de cadet pour s'élever et, dans ce tome 10, devenir son égal. Un aventurier qui prend ses propres décisions et assume seul les risques qu'il peut ainsi encourir. Ils s'apprécient, s'aident s'ils le demandent mais respecte les choix de l'autre, aussi dangereux peuvent-ils paraître car, en aucun cas, ils ne peuvent restreindre l'autre. Ils sont des aventuriers, libres et égaux. Et l'auteur arrive à nous transmettre tout ça en à peine deux pages, chapeau l'artiste 

Alors ? C'était bien ou pas ?

Deux adjectifs pour décrire ce tome de Danmachi : Poignant et Épique !! 

Poignant par l'intensité des émotions que les personnages ressentent, par la souffrance à laquelle ils vont devoir faire face et par l'histoire profondément tragique qui enrobe le tout, Les situations sont désespérées, incontrôlable, inarrêtable. La pression que ressentent les personnages est transmis au lecteur qui à la constante impression que la tragédie l'attend à la page suivante. C'est une lecture qui ne laisse définitivement pas indifférente. 

Épique par cette succession de combat parfois tragique, souvent sanguinolant, que l'auteur nous propose. Les Xenoi, Ryu, Bell, Dix ou la familia Loki qui arrive en fin de tome, ces guerriers fantastiques, ne manque pas une seconde de nous en mettre plein les yeux. Que ce soit des passes d'armes en terrain dégagé ou dans une pièce étroite, des duels oppressant ou des batailles à plus grande échelle, la mise en scène est toujours haletante, percutante sans jamais être gratuite. 

En définitif, si le tome 9 était déjà excellent, il n'était finalement qu'une mise en bouche, un moyen de placer avec soins les pions dont l'auteur allait se servir pour nous offrir une fresque aussi tragique qu'épique. La tension monte crescendo dans ce tome 10. Une tension qui, si elle est un peu amoindrie par la fin, ne compte tout de même pas relâcher son emprise. L'arc est loin d'être arrivé à son terme et la familia Loki, une jeune femme blonde en particulier, pourrait bien se révéler l'ultime ennemi que Bell devra abattre pour défendre ses convictions 

Critique des tome précédent → Tome 9 : ici / Tome 11 : ici / Tome 12 : ici